Bohdan, 15 ans, semble être un adolescent ordinaire, mais il porte avec lui le poids d'une génération ukrainienne qui a connu quatre années de conflit. Son père, Stanislav, militaire, a perdu la vie en défendant Kharkiv, et sa mère, Iryna, doit maintenant combattre un cancer, ajoutant une autre couche de douleur à leur existence déjà ébranlée par la guerre.
Résidant à Balakliia, une ville récemment libérée mais toujours sous menace, Bohdan a vu son entourage se réduire à presque rien. "Quand nous sommes revenus, il n'y avait plus d'enfants et aucun magasin ouvert," se souvient-il. Alors que les jeunes d'autrefois ont fui, le quotidien de Bohdan est rythmé par des alarmes et des cours en ligne, dans un environnement où l'ancien club de skateboard et les rives de la rivière ont été minés.
Au-delà des rues désertes, les adolescents ukrainiens semblent s'adapter, malgré une étude de l'Organisation mondiale de la santé révélant une chute du bonheur parmi eux depuis le début de l'invasion. Toutefois, ils connaissent une résilience surprenante, un phénomène observé également par le psychologue Mihail Abramov, qui souligne que "les enfants ont cette capacité innée à faire face aux crises malgré l'adversité." Livrant son diagnostic après avoir travaillé avec des jeunes, il insiste sur le besoin urgent d'espaces de soutien psychologique.
A Kharkiv, en dépit des nuits marquées par les bombardements, des écoles souterraines ont été mises en place, permettant à des centaines d'élèves de poursuivre leur éducation dans un cadre sécurisé. Yevenhelina Tuturiko, 14 ans, a récemment retrouvé une salle de classe, bien qu'elle soit souterraine. "C'est fabuleux de pouvoir interagir avec mes camarades à nouveau," exprime-t-elle avec un sourire, après avoir traversé l'Europe pour rencontrer des amis.
La crise actuelle a également engendré des initiatives permettant aux enfants de se divertir et de s'épanouir, comme le souligne Aïouna Morozova, responsable d’une piscine à Kharkiv. "Ici, l'eau et la natation sont des moyens de survie pour l'esprit," explique-t-elle. Les enfants, certes marqués par la guerre, trouvent encore de la joie dans des activités sportives et de socialisation.
Un phénomène inquiétant émerge aussi, avec l'augmentation des problèmes psychologiques. Maryna Dudnyk, psychologue, a remarqué des signes préoccupants chez les jeunes, allant de la peur extrême à des comportements d'automutilation. "Ils vivent tous dans un stress constant, et cela a un impact considérable sur leur santé mentale," affirme-t-elle. Dans un monde où les enfants dorment dans des abris, le devoir d'écouter et de comprendre leur détresse devient primordial.
Bohdan, malgré ses souffrances, garde intact son rêve de faire connaissance avec Lana, une amie rencontrée en ligne, résidant à Dnipro, à 400 km. "Nous avons tant de choses en commun et j'aimerais qu'on puisse vraiment se voir," confie-t-il avec l'espoir d'un avenir plus lumineux, tout en connaissant les dangers qui planent toujours sur sa ville.
Alors que les adolescents ukrainiens continuent de rêver et de vivre malgré la tragédie qui les entoure, ils illustrent une force collective qui ne doit pas être sous-estimée. Le ministre des Affaires sociales, Denys Iliutyne, résume bien cette force : "Les enfants perdent leurs proches, mais ils ne cessent de rêver, de vivre et de se projeter vers l'avenir." Une lumière d'espoir persiste même dans les moments les plus sombres de la guerre.







