Les Somaliens de la région de Mogadiscio se sont rendus aux urnes jeudi pour des élections locales, marquant la première fois en près de 60 ans que le suffrage direct est appliqué dans la capitale d'un pays en proie à des conflits. Sous une forte présence policière, le gouvernement a mis en place des mesures de sécurité renforcées pour prévenir d'éventuelles menaces, notamment des attaques des islamistes shebab, liés à Al-Qaïda.
Un correspondant de l'AFP a observé une animation matinale dans les bureaux de vote, où de nombreux électeurs, impatients d’accomplir leur devoir civique, formaient de longues files. Cependant, celles-ci se sont considérablement réduites au cours de l'après-midi. Ali Salad, 51 ans, a partagé son enthousiasme : "J'ai attendu des heures pour voter, et c'était une expérience incroyable." Guhad Ali, 37 ans, a ajouté : "C'est un grand jour" en montrant son auriculaire taché d'encre comme preuve de son vote.
Les autorités ont déployé plus de 10 000 agents de sécurité à travers la ville, un témoignage de leur engagement à protéger les élections malgré un contexte de violence encore présent à quelques dizaines de kilomètres de là. Moalim Mahdi, un responsable de la police, a déclaré : "Nous garantissons la sécurité à 100 %. Ayez confiance dans les forces de l'ordre en place." Néanmoins, la ville a récemment connu des menaces, notamment des tirs d'obus et des attentats.
Ces élections sont perçues comme un test avant les élections présidentielles de 2026, à la fin du mandat actuel de Hassan Sheikh Mohamud. Ce dernier a exprimé son optimisme en affirmant : "Ceci est le futur du peuple somalien qui s'engage sur la voie de la démocratie."
Cependant, les principaux partis d'opposition, comprenant la coalition pour le futur de la Somalie, ont décidé de boycotter le scrutin. Ancien Premier ministre, Hassan Ali Kheire a déclaré que l'élection n'était pas légitime et qu'elle n'était qu'un prétexte pour prolonger le mandat en cours. Un sentiment partagé par plusieurs Somalis qui, comme Mohamed Yare, ont choisi de s'abstenir : "Le processus n'est pas inclusif, je préfère ne pas voter."
Selon la commission électorale, près de 400 000 électeurs inscrits, sur plus de 2 millions d'habitants dans cette région, étaient appelés à départager 1 600 candidats pour 390 sièges locaux. Cette initiative arrive près de six décennies après que le dictateur Siad Barre a aboli le vote direct en 1969. Depuis lors, le paysage politique s'est fragmenté autour des clans dominants.
Il est important de noter que le Somaliland, un territoire autoproclamé indépendant, a déjà mis en place un suffrage universel en 1991. De plus, en mai 2023, le Puntland a également organisé des élections locales au suffrage universel, mais a ensuite annulé ce processus. Les analystes soulignent que le retour au vote direct en août 2024 a été perçu comme une manœuvre du président Mohamud pour renforcer son pouvoir.
Les conflits claniques, qui ont marqué les élections précédentes, rappellent la crise politique de 2021 lors du mandat de Mohamed Abdullahi Farmajo. Alors que les prochaines élections de 2026 se profilent, l'absence de consensus sur le processus électoral soulève des inquiétudes, l'opposition menaçant de créer un processus parallèle si le gouvernement persiste dans son approche du suffrage direct.







