À l'heure où les dynamiques du commerce international sont bouleversées par des conflits persistants, la mer Noire émerge comme un espace incontournable sur l'échiquier géopolitique. En effet, cet espace maritime est à la croisée des ambitions économiques de l'Europe, de la Russie et de la Turquie, toutes désireuses de se renforcer dans cette région stratégique.
La mer Noire ne se limite pas à être un simple point de transit: elle constitue un axe vital pour le transport maritime de blé et est également riche en hydrocarbures. La guerre en Ukraine a exacerbée la lutte pour le contrôle de cette zone, rendant la situation encore plus complexe. Laurent Célérier, ancien capitaine de vaisseau et professeur à Sciences Po Paris, souligne que « malgré son statut de mer fermée, la mer Noire est d'une importance cruciale pour les interactions entre plusieurs puissances ». D'une part, la Russie, en quête d'accès aux mers chaudes, renforce sa présence militaire et commerciale pour compenser ses pertes en Méditerranée, une région où son influence est mise à mal.
Parallèlement, la Géorgie et les régions séparatistes de l'Abkhazie sont en pleine concurrence pour contrôler le fret maritime, avec des projets d'infrastructures logistiques multiples. La Géorgie prévoit l'ouverture d'un nouveau port à Anaklia en 2029, tandis que les autorités abkhazes rénovent le port de Jukmuri avec le soutien de Moscou. Jouant un rôle clé dans le transit des marchandises, la Géorgie espère également devenir un point de passage privilégié vers l'Union européenne.
En ce qui concerne les ressources, la Bulgarie et la Roumanie projettent d'exploiter leurs champs de gaz pour diversifier les approvisionnements énergétiques de l'Europe, dans un contexte où Bruxelles cherche à réduire sa dépendance au gaz russe. Les projets en cours, tels que le champ de gaz Neptune Deep et la découverte récente d'un gisement de gaz en Turquie, renforcent encore cette dynamique.
La mer Noire n'est pas qu'un simple axe commercial; elle est devenue le point focal de nouvelles alliances et rivalités. En intégrant des stratégies énergétiques diversifiées, l'Azerbaïdjan, par exemple, aspire à devenir un fournisseur incontournable pour l'Europe, notamment avec des projets de câbles sous-marins visant à établir des connexions énergétiques directes.
Dans un climat d'incertitude géopolitique croissant, le Caucase et la mer Noire se profilent comme des zones de tensions où l'avenir économique et stratégique pourrait être redéfini au moment où les relations internationales continuent à évoluer. Les attentes autour de cette mer intérieure sont donc bien plus que des enjeux économiques; elles touchent directement à la stabilité régionale et à l'équilibre des pouvoirs.







