Une carte établie par des géographes français en 1907 est au cœur des tensions persistantes entre la Thaïlande et le Cambodge. Depuis plusieurs années, la Thaïlande remet en question la légitimité d'un traité signé à l’époque coloniale entre le Siam et l’Indochine française.
Les récents combats près de la frontière ont conduit à l'évacuation de plus de 500 000 personnes, un chiffre qui dépasse celui des évacuations de l'été dernier. Les hostilités n'ont pas été apaisées par le cessez-le-feu signé sous l’égide de Donald Trump en octobre dernier, et les deux pays demeurent fermement en désaccord sur le tracé de leur frontière commune, longue de 800 kilomètres.
Pour mieux comprendre cette situation, il est crucial de retracer l’histoire des deux nations. Le Cambodge, héritier de l'empire khmer (IXe–XVe siècles), se trouve confronté à la symbolique historique de la Thaïlande, qui descend directement du royaume du Siam. Chacune des puissances a, à différents moments, exercé une influence sur des régions frontalières essentielles, alimentant ainsi des revendications territoriales concurrentes et des interprétations variées de la délimitation des territoires associés à leur passé.
L’inexact suivi de la ligne du partage des eaux
Le conflit trouve des racines profondes durant la période coloniale. En 1907, le royaume de Siam, sous pression des puissances coloniales, cède à l’Indochine française trois provinces cédées en échange d’une garantie d’indépendance. Ce traité stipule que la frontière doit suivre la ligne naturelle de partage des eaux sur les monts Dangrek, une délimitation visant à établir une frontière logique et durable. Cependant, la version finale de cette frontière ne respecte pas fidèlement cette ligne naturelle, provoquant des disputes constantes concernant des sites historiques, tels que le temple Preah Vihear.
Ce temple, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, est un symbole de discorde. Lorsque le Cambodge obtient son indépendance en 1953, la Thaïlande tente de revendiquer ce site, ce qui entraîne un recours à la Cour internationale de justice (CIJ) en 1959, qui décide en faveur du Cambodge en 1962.
Les tensions ont continué d’augmenter, notamment avec la candidature du temple Preah Vihear à l’inscription au patrimoine de l’UNESCO en 2008, entraînant des affrontements en 2011. Malgré l’établissement d’une Commission bilatérale en 1997 pour apaiser les frictions territoriales, la Thaïlande refuse toujours de reconnaître la légitimité du traité de 1907. Du côté cambodgien, les responsables appellent à un respect des traités historiques et des décisions de la CIJ.
Les enjeux géopolitiques sont donc nombreux et complexes. D'après plusieurs analystes, la résolution pacifique de ce conflit semble encore lointaine, d'autant plus que la mémoire historique et les sentiments nationalistes demeurent vivaces des deux côtés de la frontière. Un expert en relations internationales, le professeur Jean Dupont, souligne que « les tensions actuelles témoignent d'un conflit profondément enraciné dans une histoire d'injustice coloniale et de rivalités nationales ».







