La récente décision de la Haute cour de Tokyo, affirmant que le mariage entre personnes de même sexe est inconstitutionnel, a suscité une onde de choc, notamment parmi les couples concernés et leurs soutiens. Coralie et Rei Watanabe Prosper, mariées en France en 2018, se battent pour que leur union soit reconnue au Japon, le pays natal de Rei. « Nous voulons des enfants et je souhaite qu'ils se sentent chez eux aussi bien en France qu'au Japon », a confié Rei avec une émotion palpable lors d'une conférence de presse.
Un sondage réalisé par le Asahi Shimbun en 2023 révèle que 72 % des Japonais soutiennent le mariage pour tous, un chiffre qui grimpe à plus de 80 % chez les jeunes de 18 à 34 ans. Pourtant, la Première ministre, Sanae Takaichi, a clairement exprimé son désaccord en déclarant qu'elle était « fondamentalement opposée » au mariage homosexuel.
Depuis 2019, plusieurs tribunaux à travers le pays avaient ouvert une brèche d'espoir en affirmant que l'absence de reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe constituait une violation de la Constitution. Hélas, cette dynamique a subi un revers fin novembre avec la décision de la Haute cour, qui a maintenu la prohibition.
« Notre vie devrait nous appartenir »
L'avocate de Rei et Coralie, Mayuko Miyai, souligne que le Code civil japonais ne interdit pas explicitement le mariage entre personnes de même sexe, et que l'inflexibilité du gouvernement revêt un caractère préoccupant. « Ce refus pourrait être perçu comme une forme de déni des droits conjugaux de leurs citoyens », a-t-elle déclaré, attirant l’attention sur les implications diplomatiques d’un tel positionnement.
Actuellement, le Japon est le seul pays du G7 à ne pas reconnaître les couples de même sexe. Bien qu’un système de certificats de vie commune ait été instauré en 2015, sa portée juridique est limitée et varie d'une municipalité à l'autre.
Lors d’une récente manifestation à Tokyo, Yuki, qui vit avec son épouse américaine, a partagé ses préoccupations : « Mariées aux États-Unis, nous nous sentons comme des colocataires ici, pas comme une famille. Notre vie devrait nous appartenir. » Ce sentiment d’aliénation est partagé par nombreux couples du pays, qui continuent de revendiquer leurs droits en dépit de l’opposition institutionnelle.
Les discussions autour du mariage pour tous au Japon continuent d’évoluer, soulignant une discordance entre le cœur de la société et les positions adoptées par ses dirigeants. Comme l’a résumé un expert en droits humains interrogé par Le Monde, « la pression croissante de l’opinion publique pourrait bien forcer le gouvernement à reconsidérer sa position dans un avenir proche. »







